Le Théâtre Sébastopol est un des plus célèbres théâtres français de par son acoustique et la visibilité offerte au public. Avec ses 1450 places, c'est aussi une des plus grandes salles de spectacle de la ville. Et comme tout lieu incroyable, son histoire l'est aussi.
Tout d'abord l'origine de sa construction fait suite à un malheureux évènement totalement inattendu : le violent incendie du Grand Théâtre Lequeux le 6 avril 1903. Située sur l'actuelle place du Théâtre (d'où le nom de la place) à côté de la Grand Place, cette salle de spectacle inaugurée en 1787 était très courue et reflétait le dynamisme culturel de la ville. A l'époque déjà, Lille faisait du bouillonnement artistique une des raisons de son attractivité au niveau national. C'est pourquoi le conseil municipal de Gustave Delory décida de trouver une solution rapide. L'objectif était simple : ouvrir une salle grande et moderne dans l'année.
Ne pouvant reconstruire rapidement une salle au même endroit (il faudra attendre 1914 pour l'ouverture de l'Opéra de Lille à la place du Grand Théâtre Lequeux), et souhaitant placer la nouvelle salle au centre de la ville, un emplacement libre fut trouvé : la place Sébastopol. Située à quelques mètres de la place de la République, ce vaste lieu offrait tous les avantages : proximité des quartiers du sud de la ville en pleine expansion, lignes de tramway de la rue Solférino et surtout les fondations des halles d'un marché linier qui finalement ne verra jamais le jour.
La place Sébastopol en 1903 avant la construction du futur théâtre du même nom
Quelques semaines après le drame, les objectifs du projet furent fixés dans une lettre du conseil municipal : “construire en quatre mois et pour une somme de 300 000 F un théâtre pouvant recevoir 2 000 spectateurs, avec une scène qui permette la représentation des grandes œuvres modernes ; de plus, il devrait comporter la particularité d’être transformable en cirque”.
Eh oui, le théâtre Sébastopol devait aussi faire office de cirque et ce fut même une des clés de son financement. En effet, le nouveau théâtre ne devait être que temporaire le temps de construire une salle définitive à l'emplacement du bâtiment incendié. Mais les coûts de ce théâtre provisoire auraient été trop élevés si seules des activités théâtrales pouvaient s'y produire. D'où l'idée un peu géniale d'y inclure des activités de cirque pour amortir le poids des dépenses dans le temps... et ce même si, au final, aucune activité circassienne n'y fut tenue.
Autre figure imposée dans le cahier des charges du théâtre suite au violent incendie précédent : la construction devait être dans son gros œuvre en briques, fer et béton armé. Tous les matériaux
utilisés devraient être incombustibles ou ignifugés. Cette décision cruciale garantira d'ailleurs la longévité du bâtiment bien au-delà de ce qu'il était imaginé à l'époque. Il est aussi demandé de ne pas privilégier la partie décorative pour assurer une réalisation rapide.
Sur les 5 dossiers en "compétition", c'est celui de l'architecte lillois Léonce Hainez et de l'entrepreneur en bâtiment César Debosque, originaire d'Armentières, qui fut retenu. Et c'est le 19 août 1903 - une fois les fondations achevées - que commencèrent les travaux "hors sol". 103 jours plus tard, soit le 30 novembre 1903, le théâtre provisoire était inauguré. Le bâtiment a couté la somme exacte de 349 826,40 francs (soit presque 1,3 million d'euros de nos jours). Et c'est bien une magnifique salle de 2 000 places que découvrirent les Lillois. La saison théâtrale 1909/1910 put alors démarrer quasi normalement.
L'intérieur du théâtre Sébastopol à son inauguration. On remarque l'espace entre la scène et les premiers fauteuils.
Anecdote #1 : tellement considéré comme temporaire, le nouveau bâtiment n'avait pas de nom officiel à son inauguration. Il sera donc appelé tout simplement "Théâtre Provisoire" puis "Salle de Spectacle" dans les nombreux documents et photos d'époque avant de prendre le nom officiel de Théâtre Sébastopol.
Anecdote #2 : le bâtiment ne fut jamais détruit et traversa même les deux guerres mondiales sans trop d'encombre. Pendant la première guerre mondiale : il fut réquisitionné comme entrepôt et les fauteuils furent transférés... clin d'oeil de l'histoire... dans le nouvel Opéra qui commençait ses premières représentations. Pendant la seconde guerre mondiale : le théâtre ne cessa pas son activité et proposa une programmation presque complète malgré l'occupation allemande.
Anecdote #3 : comme prévu, la construction de l'Opéra sur les ruines du Grand Théâtre Lequeux entraina la fin des représentations du répertoire lyrique au théâtre provisoire en 1923 qui devint alors le temple de l’opérette, sous la direction de Paul Frady.
Calendrier montrant le projet de marché linier qui devait s'installer sur la place Sébastopol
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