Tout comme Louise de Bettignies et Jeanne Maillotte, Léon Trulin, est une incarnation de la résistance et du sacrifice des Lillois.es au cours de l'histoire de la capitale des Flandres. Le triste destin du jeune belge fait définitivement partie des faits de gloire héroïques de la ville et ressemble tragiquement à celui de Guy Môquet, célèbre militant communiste fusillés le 22 octobre 1941 par les allemands à Châteaubriant.
Léon Trulin est né en 1897 à Ath en Belgique à environ 60 kilomètres de Lille. Très jeune à la mort de son père, il déménage à La Madeleine puis à Lille, place des Patiniers. Malgré son éducation catholique, Léon fréquente des écoles laïques. Néanmoins, il sera contraint de rechercher un emploi afin d’aider sa famille à surmonter des problèmes financiers importants. Au cours de son premier emploi en usine de pelleterie (usine préparation des peaux d’animaux afin de les transformer en fourrure), il se blesse et sa convalescence va durer 8 mois. Durant ce temps, il se cultive énormément et lit toutes sortes d’ouvrages, ce qui est rare pour un ouvrier de l’époque. Enfin guéri, il décide de prendre des cours de dactylo le soir grâce à la reprise d’un emploi en usine de métallisation. Il peut ainsi s’inscrire à l’école des Beaux-Arts de Lille.
28 juillet 1914, la guerre éclate. Moins de trois mois plus tard, le 12 Octobre 1914, Lille est assiégée par l'armée allemande. Ayant envie d’aider la résistance, Léon Trulin part en juin 1915 pour l’Angleterre, afin de s’engager dans l’armée belge. Mais, jugé par son apparence trop chétive, il est purement et simplement recalé. On lui propose alors plusieurs missions d’espionnage qui l'amènent à se rendre dans le nord de la France de nombreuses fois et plus particulièrement à Lille.
La bande à Léon
Souhaitant en faire plus, Il crée son propre réseau d'espionnage : "le réseau Noel Lurtin”, anagramme malicieuse de son nom et prénom. Son réseau est alors composé de 6 personnes en plus de lui-même : Raymond Derain, Marcel Denèque, Marcel Lemaire, André Herman,Lucien Dewalf... qui ont en point commun d'avoir tous à peine 18 ans et de Marcel Gotti qui lui a tout juste 15 ans. Ce sont tous des copains de Léon Trulin qui se sont ralliés à la cause commune. Et dans leurs quêtes d’informations, ils font parvenir de nombreux rapports en Angleterre. Le chef des services de renseignements - ravi par le rendement et la qualité de leur service - leur confie des missions d’observation sur Tourcoing, Courtrai, Deuze, Ingelmunster ou encore Mouscron. Malheureusement, un de leur camarade est arrêté après s’être trop approché des autorités allemandes pendant une mission. Léon Trulin et Raymond Derain décident de fuir en Angleterre en passant par les Pays-Bas. C’est alors que surpris à Putte-Kapellen creusant un tunnel sous les barbelés, ils sont arrêtés par une patrouille allemande. Léon jette des papiers importants côté hollandais mais ceux-ci sont aussitôt ramassés, les autorités allemande comprennent alors qui sont ces deux jeunes gens.
Annonce officielle de l'exécution de Léon Trulin
Après leurs incarcérations à la prison des Béguines à Anvers du 4 au 12 octobre 1915, les deux compagnons sont transférés à la Citadelle de Lille. Léon Trulin et ses comparses y sont jugés le 5 Novembre 1915 devant le tribunal militaire allemand de Lille. Léon est condamné à mort. Trois jours plus tard, le 8 novembre 1915, Léon trulin est fusillé dans le fossé nord de la Citadelle. Il est âgé de 18 ans et 5 mois.
Ses compagnons écoperont pour la plupart de travaux à perpétuité. Seul Marcel Denèque sera acquitté car les Allemands avaient du mal à prouver l’implication de ce dernier dans les faits. Mais dans une dernière lettre écrite à sa mère, Léon lui demande de pardonner un certain D... laissant planer le mystère et le soupçon sur la vraie raison de la non-condamnation de Marcel Denèque. Ce dernier sera finalement condamné en 1920 à vingt ans de travaux forcés pour dénonciation à l'ennemi... avant d'être condamné à mort en 1966 pour trahison pendant la seconde guerre mondiale.
"Je pardonne à tout le monde, amis et ennemis. Je fais grâce parce qu’on ne me la fait pas."
Nombreux sont les hommages à Léon Trulin à Lille :
- A la Citadelle : On peut apercevoir une plaque commémorative au lieu même où il a été fusillé. Restauré le 12 novembre 2014 par des élèves du lycée professionnel Jean Monnet, le mur-monument se situe à l'opposé de l'entrée principale de la Citadelle.
- Au Square Daubenton : une imposante statut réalisée par Félix-Alexandre Desruelles (un des plus grands sculpteurs spécialisés dans les oeuvres commémoratives) représente Léon Trulin à terre et quatre autres résistants héroïques représentés debout en train de défier le peloton d'exécution avant d'être fusillés : Georges Maertens (commerçant), Ernest Deceuninck (lieutenant), Sylvère Verhulst (ouvrier) et Eugène Jacquet (marchand de vin). Petit anachronisme insolite : Léon Trulin fut en fait le dernier des cinq à être fusillé, les quatre autres héros ayant été exécutés le 22 Septembre 1915 car il faisait partie du comité Jacquet.
- Au cimetière de l’Est : Félix-Alexandre Desruelles a également sculpté une statue de Léon Trulin. Cette dernière, financée par une souscription populaire, se situe à côté de la tombe du jeune résistant.
- La rue Léon Trulin porte son nom et est située juste à côté de l’Opéra de Lille. A son entrée figure une subtile statue du jeune résistant réalisée par Edgar Boutry. Tout d'abord inaugurée le 10 juin 1934 sur l’avenue du peuple Belge, la statue de Léon Trulin sera finalement déplacée sur la rue à son nom créée en 1924. La phrase inscrite sur le monument est grave et pleine de bonté. Ce sont les derniers mots de Léon Trulin dans une lettre adressée à sa mère : "Je pardonne à tout le monde, amis et ennemis. Je fais grâce parce qu’on ne me la fait pas."
- Au 15 place des Patiniers jusqu'en 2007, il y avait deux plaques commémoratives sur la façade de la maison qu'occupaient Léon Trulin et sa famille. Mais suite à un ravalement de façade, ces deux plaques ont malheureusement disparu. Elles avaient pourtant été inaugurées devant une foule immense le dimanche 1er octobre 1922.
La dernière lettre de Léon Trulin - écrite la veille de son exécution - est pour sa maman
Ci-dessous : le 9 novembre 1915, l'exécution de Léon Trulin est à la une du "Bulletin de Lille", organe de presse des Allemands.
Ci-dessus : la statue à son premier emplacement avenue du Peuple Belge
Ci-dessous : la statue installée rue Léon Trulin et mise à l'honneur sur une carte postale belge
Ci-dessous : évolution de la tombe de Léon Trulin au cimetière de l'Est qui accueillera finalement une imposante statue suite à une souscription populaire
15 place des Patiniers à Lille : le 1er octobre 1922 deux plaques commémoratives sont inaugurées avec les honneurs de la ville
Pour en savoir plus, découvrez le livre : Trulin 1915 : un Petit Belge, Héros Lillois